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Monnaie complémentaire de bien commun

novembre 11, 2023 | by econologistes.org

LHED_complet

Monnaie complémentaire de bien commun

Projet : lhed.fr

Auteur(s) : Philippe DERUDDER

Présentation des auteurs, de l’histoire, de la genèse, du contexte

Philippe Derudder est un ancien chef d’entreprise . « Interpellé » par les contradictions du système, il quitte volontairement le monde des affaires en 1992 poussé par le refus de continuer à apporter sa contribution à un système auquel il ne croit plus et par le besoin de mettre sa vie en cohérence. Il se consacre depuis à la recherche de solutions économiques et financières alternatives, ainsi qu’à l’évolution de conscience qui doit les inspirer. Il réside au Québec depuis 2004. Il travaille à l’adoption de monnaies « yin » dédiées au Bien commun pour équilibrer le système reposant uniquement sur des monnaies « Yang » (productions marchandes).

Ainsi a-t-il co-initié le mouvement des monnaies locales complémentaires citoyennes en France, mouvement très vivant et en expansion en Europe, mais avec moins de succès au Québec où elles ne reçoivent pas le même intérêt. Cette expérience citoyenne est la première étape devant conduire dans un second temps à des monnaies complémentaires provinciales / nationales dédiées au Bien commun pour rendre celui-ci indépendant de la redistribution fiscale et de l’influence des lobbys industriels et financiers.

Abstract

Il s’agit de réconcilier l’intérêt particulier et l’intérêt collectif, actuellement en opposition et d’inspirer l’économie productive au lieu d’y être conditionnés. Le système monétaire actuel ne sert que l’intérêt particulier car il ne peut créer la monnaie que pour une clientèle solvable et des activités rentables financièrement. L’intérêt collectif est financé par la fiscalité et l’emprunt ce qui le rend dépendant et sous influence de l’économie marchande. Il s’agit de rendre à l’humanité sa capacité à passer d’un mode de vie régulé par l’accès à une monnaie rendue sélective par son adossement à une dette à un mode de vie régulé par ce que la planète peut offrir sans en souffrir. Le but est d’assurer une suffisance digne aux milliards de terriens tout en rendant globalement compatibles leurs productions et consommations avec ce dont la planète a elle-même besoin pour exprimer le Vivant.

Description détaillée du système proposé

Nous proposons de sortir de la logique de redistribution et d’entrer dans celle de la création. Cela revient à autonomiser l’espace économique à finalité de Bien Commun, maintenant reconnu comme richesse prioritaire pour assurer un avenir à l’espèce humaine. Il est complémentaire au système marchand et non dépendant de lui. Il regroupe les activités qui par nature n’ont pas une finalité de profit financier, mais celle de bénéfice sociétal telles que la santé, l’éducation, la recherche fondamentale, la justice, l’eau, la transition écologique… Il est régi par un statut juridique spécifique. Il n’obéit pas à une finalité de profit financier ou d’équilibre comptable mais à celle que nous appellerons ici le bénéfice éco-social (l’atteinte des objectifs éco-sociaux visés). Son financement est assuré ni par l’impôt, ni par l’emprunt, mais par l’utilisation d’une monnaie de Bien commun complémentaire à la devise nationale, créée sans dette par un organisme public sous mandat et contrôle citoyen, en contrepartie de projets validés par votations à la suite de débats tenus au niveau local, régional ou national au sein d’assemblées délibératives constituées de citoyens tirés au sort. Elle est fléchée vers une consommation « responsable » socialement et écologiquement

Objectifs du projet :

Faire prendre conscience que l’on peut  financer le « Bien commun » (tout ce qui n’a pas vocation à profit financier et donc considéré comme dépense actuellement) sans impôts supplémentaires et sans emprunt.

Méthode :

Par l’exercice d’une démocratie participative, définir les critères permettant de classer une production matérielle ou immatérielle dans le champ du Bien commun. 

– Seuls les besoins et projets répondant à ces critères peuvent bénéficier d’un label ouvrant droit au financement particulier alloué au champ du Bien commun. 

– Puis, en partant du local, établissement d’une feuille de route décrivant au fil du temps d’une part les besoins et projets porteurs d’améliorations sociales et environnementales et, d’autre par, précisant les moyens envisagés dans la limite de ce que la planète peut soutenir. 

– C’est la pertinence et la faisabilité obéissant à cette limite qui définit le montant du financement et non un budget préalable.

– Le financement consiste alors en une émission de monnaie complémentaire à la monnaie  marchande (monnaie nationale traditionnelle). Contrairement à cette dernière elle n’est pas appuyée sur une dette mais sur la pertinence et faisabilité des activités et projets. Elle a pouvoir légal, non convertible (ou très partiellement dans le cadre de règles administratives spécifiques). Elle n’a cours que sur un territoire défini (régional; national…). Elle est à parité de pouvoir d’achat avec la monnaie marchande. Elle ne donne accès qu’aux activités et produits labellisés. Elle est détruite par un système de fonte et/ou par la fiscalité.

Cette méthode propose une piste à explorer. Elle n’est que le document de travail restant à être amélioré, modifié, validé par les citoyens eux-mêmes dans le cadre d’un système démocratique participatif.

Résultat :

Le résultat attendu est d’initier une dynamique vertueuse dans une réflexion commune et ses applications. Le champ du Bien commun (entendons les domaines tels que l’éducation, la santé publique, la justice, la sécurité alimentaire,  l’assainissement des eaux, la dépollution, la régénération des sols etc…) devant obéir  aux critères ouvrant droit à la labellisation (dont les exigences croitront avec le temps), crée une demande qualitative à laquelle le secteur marchand ne pourra que répondre de par la logique qui l’anime.C’est ainsi que sans s’attaquer à l’économie marchande, l’ensemble du système sera entraîné vers un  mode de vie où la finalité n’est plus l’argent, mais une suffisance épanouissante pour tous ajustée au respect et aux besoins du Vivant.

Conclusion :

Les avantages :

– Un système gagnant/gagnant: on ne touche pas aux intérêts privés, on les oriente progressivement tout en permettant au Bien commun d’exprimer son plein potentiel et de devenir une richesse au lieu d’une dépense

– Un développement quantitatif et qualitatif de l’emploi: Le champ des activités porteuses de qualité de vie, pour le moment restreint, s’élargit. considérablement. Une large gamme d’activités utiles, rémunératrices et épanouissantes s’ouvre.

– Une spirale vertueuse : La pleine reconnaissance d’un espace dont la finalité est purement qualitative tire la société vers le haut.

– Les vraies questions de société ne sont plus pensées en fonction des budgets disponibles ou des intérêts commerciaux, mais en fonction de ce qui est souhaité idéalement.

–  La qualité de vie des peuples ne dépend plus de l’exploitation de leurs ressources naturelles et de leur commerce. Les nations peuvent parvenir rapidement à un indice élevé de BIB (bonheur intérieur brut) dans le respect de leur culture et de leurs traditions.

– Mondialisation et souveraineté en sortent réconciliés. Chaque peuple retrouve la possibilité de déterminer et d’appliquer par lui-même et pour lui-même la recette de sa qualité de vie. Libérées de l’aiguillon de la nécessité et de l’obligation de marchandage les relations internationales s’en trouvent pacifiées, car portées sans arrière-pensée par le seul désir de prendre soin les uns des autres et de notre vaisseau spatial commun, la Terre.

– La démocratie représentative évolue vers une démocratie participative car cet espace ne peut exister sans un débat public ouvert et permanent pour définir les besoins éco-sociaux et y répondre dans une logique de subsidiarité.

– Les prix cachés reliés à ce qu’on appelle les « externalités négatives » qui fragilisent la santé, diminuent l’espérance de vie pour beaucoup, augmentent la violence à tous les niveaux et sous toutes les formes, favorisent les sauve-qui-peut dans la drogue, le vol, la corruption… se trouvent naturellement allégés, dès lors que chacun, recevant un revenu qui lui assure la suffisance dans la dignité, peut se sentir intégré et reconnu dans une société à laquelle il a plaisir à participer utilement.

Le défi majeur :

Toutefois la mise en œuvre d’un tel projet, quoi que ne représentant pas de difficultés techniques, se heurte d’une part à l’ignorance des populations quant à la responsabilité du système monétaire dans les problèmes de tous ordres que rencontrent l’humanité et, d’autre part, à la volonté des « élites » en place à maintenir le statu quo qui garantit le pouvoir  et la fortune qu’elles détiennent. Cette mise en œuvre ne pourra se faire qu’après un travail d’éducation populaire. C’est sous la pression des populations que les résistances cèderont.  Ce travail est notre première étape.

Références bibliographiques générales

  • Maurice Allais : La crise mondiale aujourd’hui, (Ed. Clément Juglar)
  • Pierre Aunac : Une économie au service de l’homme (Ed. Harmattan)
  • Étienne Chouard – Notre cause commune – (Ed. Max Milo)
  • Philippe Derudder & André-Jacques Holbecq – Manifeste pour que la monnaie serve au lieu d’asservir (Ed. Dangles)
  • André Chaineau :  Mécanisme et politique monétaire (Ed. P.U.F.).
  • Philippe Derudder & André-Jacques Holbecq – Une monnaie nationale complémentaire (Ed. Yves Michel)
  • Philippe Derudder & André-Jacques Holbecq – La dette publique, une affaire rentable (Ed. Yves Michel)
  • Philippe Derudder Les monnaies locales complémentaires et citoyennes: pourquoi, comment ?(Ed. Yves Michel)
  • Philippe Derudder – Une monnaie au service du Bien commun (Ed. Yves Michel )
  • Francis Dupuis-Déri : Démocratie histoire politique d’un mot aux États Unis et en France ( Ed Lux/humanités )
  • Silvio Gesell – L,ordre économique naturel ( Ed. Issautier 1948)
  • Marc Luyckx Ghisi : Surgissement d’un nouveau monde (Editions Alphée)
  • Gaël Giraud et Cécile Renouard : 20 propositions pour réformer le capitalisme (Ed. Flammarion)
  • Davis Graeber : Dette 5000 ans d’histoire (Ed. LLL Les Liens qui Libèrent )
  • Margrit Kennedy : Libérer l’argent de l’inflation et des taux d’intérêts (Ed. Vivez Soleil)
  • Bernard Lietaer et Magrit Kennedy : Monnaies régionales (Ed. Charles Leopold Mayer )
  • Bernard Lietaer : Au cœur de la monnaie (Ed. Yves Michel)
  • Bernard Lietaer, Christian Arnsperger, Sally Goemer, Stefan Brunnhuber : Halte à la toute puissance des banques (Ed Odile Jacob )
  • Alain Mamou-Mani : Au delà du profit ( Ed. Albin Michel)
  • Bernard Maris : Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles (Ed : Albin Michel), également, Keynes ou l’économiste citoyen (Presses de sciences po)
  • Dominique Plihon : La monnaie et ses mécanismes (Editions La Découverte)
  • Joseph Stiglitz : La grande désillusion   (Ed.Plon)
  • Patrick Viveret : Reconsidérer la richesse : rapport final de la mission « nouveaux facteurs de richesse »

Voir d’autres propositions : https://econologistes.org/nos-travaux/nos-propositions/

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