Des assemblées citoyennes délibératives pour repenser la monnaie comme un commun

Des assemblées citoyennes délibératives pour repenser la monnaie comme un commun

De Jean-Michel Servet –
Professeur honoraire à l’IHEID –
Institut de hautes études internationales et du développement –

Des assemblées citoyennes délibératives pour repenser la monnaie comme un commun

La question monétaire qui se trouve au cœur du processus de financiarisation des économies et plus généralement des sociétés (en tant qu’humanité inscrite dans un espace vivant) est généralement réservée à des experts. Ils sont supposés détenir un savoir incontestable en la matière. Ils sont aussi chargés notamment via leurs interventions dans les médias d’inculquer aux populations les bonnes règles de fonctionnement des systèmes monétaires. De leur côté, les représentants élus des populations apparaissent la plupart du temps eux-mêmes très en marge de possibles controverses sur ces problèmes supposées techniques ou ils ne font que reproduire les paroles d’expert sans consacrer le temps nécessaire à une discussion approfondie de leurs tenants et aboutissants.

Or, à l’inverse, les débats qui entourent la mise en place et le fonctionnement de diverses formes de monnaies locales complémentaires ou des propositions aboutissant à référendum (comme en Suisse) sur le projet dit de « Monnaie pleine » montrent la capacité de non spécialistes de s’approprier la question monétaire et de proposer des solutions.

Dans le même temps, les crises, comme celles de 2007-2008 ou celle de 2020, montrent le désarroi des prétendus spécialistes non seulement pour anticiper mais aussi pour produire des réponses adéquates et fournir des solutions durables car on ne peut que constater leur incapacité à sortir du dilemme entre endettement et financement par l’impôt.

Si l’on pense que la démocratie ne peut aujourd’hui être fondée que sur la rencontre de toutes les parties prenantes des problèmes à résoudre, la mise en place de conventions citoyennes délibératives est en matière monétaire et financière, comme en d’autres, indispensable. Cela l’est d’autant plus si l’on pense qu’il faut dépasser la dichotomie habituelle de la privatisation de la monnaie et de son administration publique pour refonder la monnaie comme un commun.