Socle commun pour les groupes de réflexion impliqués dans la transition socio-économique et écologique
Nombreuses sont les personnes et organisations qui, à ce jour, réfléchissent et imaginent des solutions qui permettraient d’aller vers un modèle sociétal durable, équitable, offrant à chacun la possibilité de réaliser son potentiel d’épanouissement. Mais nous sommes face à des pièces de puzzle dispersées qui peinent à s’emboiter, chacun pensant détenir la “meilleure solution”. Réalisons toutefois qu’il s’agit là d’un défi de nos sociétés, ce sont elles qui auront le dernier mot, les solutions proposées ne seront que des pistes de réflexions.
Notre but, au sein des éconologistes, est d’offrir aux porteurs de solutions économiques un cadre de références fondamentales. C’est le consensus préalablement obtenu autour de ces fondamentaux qui permettra de réunir des équipes de travail efficaces parce qu’en accord sur le cadre d’étude ici défini. Il facilitera l’amélioration de chacune des propositions par un examen en intelligence collective et rendra plus aisée leur comparaison. Nous invitons donc tous les porteurs de projet qui sont en accord avec ce cadre, à se faire connaître des Éconologistes.
I – Patrimoine des “ressources” utiles aux activités humaines
Nous distinguons les catégories suivantes :
- Le patrimoine des matières premières non renouvelables disponibles en quantité limitée, soumises à une dégradation rapide en cas d’utilisation. C’est un capital naturel épuisable. Exemples : le pétrole, les minerais, les terres rares…
- Le patrimoine des composants essentiels au vivant dans leur état naturel, les ressources renouvelables. Leur équilibre est fragile et demande une exploitation raisonnée permettant d’échapper à leur dégradation et leur transformation invisible. Il s’agit de l’eau (ex, acidification des mers) du sol (…disparition de l’humus), de l’air (… pollution) et des écosystèmes (…disparition de la vie). Ces ressources obéissent à des lois définies par des rythmes, des cycles, des équilibres écosystémiques (chaîne alimentaire, relations symbiotiques) indépendants du génie humain.
- Les productions humaines matérielles
- Qui utilisent le patrimoine des ressources non renouvelables (1).
- Qui utilisent le patrimoine naturel et les ressources renouvelables (2).
- Qui produisent des déchets et pollutions.
- Qui créent de nouvelles molécules non présentes à l’état naturel.
- Les productions humaines immatérielles, de la recherche, de la connaissance, de la culture, de l’enseignement, de la transmission. Les productions immatérielles se multiplient alors que les productions matérielles se divisent.
II – Règles d’utilisation des ressources…
Ces catégories de ressources nous amènent à développer des règles de gouvernances définies par leur nature différente :
- Le principe de gouvernance pour le patrimoine naturel non renouvelable (patrimoine 1) est de respecter une utilisation parcimonieuse ainsi que la recherche de procédés permettant de développer des équivalences fonctionnelles et matériaux de remplacement respectueux de l’environnement. Il nécessite une prise de conscience de sa disparition inéluctable et de l’impératif d’une gouvernance équitable dans l’espace et dans le temps afin de limiter l’utilisation du patrimoine non renouvelable (patrimoine 1). Et ainsi tendre à terme vers l’utilisation exclusive du patrimoine renouvelable (patrimoine 2) sans engendrer de perturbation annexe.
- Le principe de gouvernance pour le patrimoine des composants essentiels au vivant dans leur état naturel renouvelable (patrimoine 2) consiste à ajuster notre utilisation de ces ressources a ce que ce patrimoine peut soutenir. Leur utilisation ne doit pas nuire à leur caractère renouvelable. L’homme peut chercher à se protéger des aléas de la nature et à retirer le meilleur rendement de sa transformation à condition de ne pas en déséquilibrer les mécanismes complexes.
- Le principe de gouvernance des productions humaines matérielles (patrimoine 3) : Les productions humaines s’inscrivent dans le respect des principes de gouvernance du patrimoine naturel renouvelable (1) et non renouvelable (2) : réduction de consommation, du gaspillage et des pollutions.
Le principe de gouvernance des productions humaines immatérielles : Le cadre de gouvernance devrait obéir à un esprit d’équilibre entre l’équité sociale et l’intérêt individuel dans la production, la diffusion, la protection, l’accès, la transmission et l’utilisation des productions humaines immatérielles.
III – Esprit de la gouvernance…
Nous entendons par gouvernance, la manière dont les humains définissent leur organisation pour élaborer leurs projets. Elle regroupe la distribution du pouvoir, des responsabilités, prise de décision, des organisations, des gouvernances partagées.
Pour le moment, globalement, la gouvernance des États et des organisations humaines est pyramidale. Les décisions sont le résultat d’exercices de rapports de forces. On est dans un modèle « top-down » qui provoque une dynamique permanente de gagnants/perdants. C’est efficace mais cela ouvre les portes à toutes sortes d’abus.
Nous devons donc nous ouvrir à une gouvernance inclusive, participative ; une gouvernance horizontale ou en réseau, prenant le plus possible ses décisions au consentement à l’unanimité par levée progressive des objections à l’image du modèle sociocratique(1). Un modèle certes plus complexe à mettre en œuvre mais dont les avantages premiers et essentiels sont l’apprentissage de l’écoute, l’accueil de la diversité d’opinions comme source de richesse, la stimulation de l’intelligence collective, l’adhésion de tous à la décision prise.
Il ne s’agit toutefois pas d’imposer arbitrairement à toutes nos organisations un nouveau modèle universel, mais de laisser la liberté à chaque organisation de définir ses propres règles de fonctionnement et de prise de décision se rapprochant au plus près de cet idéal de gouvernance partagée. Ces règles doivent rester évolutives pour permettre le bien vivre du processus tout en garantissant des décisions réellement pertinentes au regard du Bien commun.
La gouvernance s’inscrit et respecte les règles intangibles d’utilisation des ressources (chapitre I et II).
1 – https://www.questions-de-management.com/sociocratie-les-nuls/
IV – Moyens de la transformation
Le modèle actuel privilégie l’intérêt particulier. La transformation de ce modèle devient essentielle au regard des défis humains et écologiques afin de pouvoir répondre aux exigences mentionnées dans les 3 précédents chapitres. Elle consiste, selon nous, à compléter le modèle pour donner une place au Bien commun (l’intérêt collectif et le respect de la nature). Cette transformation devrait être consensuelle, progressive, porteuse de mieux-être pour tous, faute de quoi elle serait contre-productive, violente, voire destructrice.
Il nous appartient alors de sortir de la logique gagnant / perdant ou gagnant / gagnant pour arriver à une notion de perpétualité dans les solutions que l’on souhaite implémenter (théorie du “jeu infini”(2)).
Nous sommes actuellement dans des systèmes de monopoles monétaires dont la finalité exclusive est la maximisation des profits à court terme. Il ne sont pas adaptés à servir le bien commun dont la finalité est de prendre soin des intérêts de tous dans le respect de ce que les écosystèmes peuvent soutenir.
Alors que l’intérêt particulier et l’intérêt collectif sont actuellement en opposition, il nous apparaît essentiel de les mettre en complémentarité, par l’adjonction au système monétaire actuel d’autres moyens répondant aux besoins humains ou écosystémiques.
2 – Théorie du “Jeu Infini” : Simon Sinek, James Carse, objectif auquel on ne donne pas de limite ni dans les moyens, ni dans le temps, en proposant des moyens permettant une activité perpétuelle. https://www.steelcase.com/eu-fr/recherches/articles/sujets/culture-talents/simon-sineks-et-le-jeu-infini/ Les éconologistes raisonnent au travers de cette notion : Le but n’est pas de gagner la partie, mais de rester dans la partie, en veillant à ce que les activités humaines demeurent dans un équilibre thermodynamique.
V – Synthèse
Tableau de synthèse des paragraphes ci-dessus.
I. Patrimoine des ressources | II. Règles d’utilisations | III. Esprit de la gouvernance | IV. Moyen de la transformation |
1. Le patrimoine des matières premières non renouvelables | – Utilisation parcimonieuse – Gouvernance équitable – Rechercher des alternatives à utilisation du patrimoine non renouvelable | – Permettre une protection de ces ressources et à terme les remplacer par des ressources renouvelables | – Prise en compte du Bien commun par évolution des gouvernances |
2. Le patrimoine des composants essentiels au vivant dans leur état naturel, les ressources renouvelables | – Utilisation exclusive du patrimoine renouvelable sans engendrer de perturbation annexe : sur-consommation avant régénération. | – Permettre une utilisation parcimonieuse perpétuelle de cette ressource | – Mise en place de la “perpétualité” dans l’utilisation des ressources par évolution des gouvernances |
3. Les productions humaines matérielles | – Réduction de consommation, gaspillage, pollution – Recyclage, réparation, économie circulaire… | – Permettre une optimisation des productions humaines matérielles afin qu’elles n’entrent pas en conflit avec 1. et 2. | – Prise en compte de 1. et 2. dans les conception / productions / consommations matérielles humaines |
4. Les productions humaines immatérielles | – Equilibre en équité sociale et accès individuel aux productions immatérielles | – Permettre une optimisation des productions humaines immatérielles afin qu’elles n’entrent pas en conflit avec 1. et 2. | – Adjonction de nouveaux systèmes de valorisations des activités humaines |